Abattage

1981-1983

Édition originale parue en 1983 (vinyl, 30 cm, 33 tpm) épuisé

1981-1983 / 2001 Version remasterisée sur CD-R épuisé

Une version "alternate" du morceau titre "Abattage" figure sur la compilation :
"30 ans d'agitation musicale en France"
, Spalax 1998

ABATTAGE

Grillage
Images & Jalousies
Ruines
Petit paysage

Petit Paysage
Hontes, Inquiétudes et Quevœjotto
Abattage

 

 

 

 

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SOUFFLE CONTINU envisage de rééditer Abattage !

En préambule au texte sur les rééditions musicales que je signe dans le premier numéro de la revue annuelle « Tohu Bohu 303 » qui sortira le 13 novembre prochain, voici une interview de Théo Jarrier dans laquelle le musicien/journaliste, co-fondateur du magasin de disques parisien Souffle Continu, partage son regard sur la part croissante de rééditions dans le flux de nouveautés discographiques et offre une analyse riche et pertinente de ce phénomène artistique et économique avant de présenter le label Souffle Continu comme un prolongement naturel de son activité de disquaire.

En tant que disquaire et passionné de musiques, as-tu senti très nettement la recrudescence du phénomène de réédition musicale ces dernières années ? Comment ce phénomène est-il perçu par les acheteurs de disques et a-t il, selon toi, modifié les attentes et les envies des plus gros consommateurs ou des mélomanes les plus exigeants ?
Oui, il y a une très nette recrudescence du phénomène de réédition musicale ces dernières années, je dirais même que le phénomène s’est accru depuis environ sept/huit ans. Les raisons sont multiples… La première, serait que des labels, voire des majors, aient délaissés petit à petit des catalogues entiers de grands classiques ou de moins grands classiques, sous prétexte de mauvaises rentabilités commerciales pour l’époque, pariant plutôt sur la constance de nouveaux artistes, de nouveaux groupes. La seconde, serait sans doute la surproduction de nouveaux talents / nouveaux groupes, qui ont inondés le marché de la musique, avec des projets parfois éphémères, peu aboutis et sans direction artistique, ou sans suivis commercial : distributions et mises en place aléatoires. De nombreuses productions se sont donc retrouvées totalement noyés dans la masse et très vite, l’offre de nouveaux produits est devenue beaucoup plus importante que la demande. Au-delà du fait que le mode de consommation ait été bouleversé ces dernières années avec le téléchargement, l’auditeur s’est malgré tout un peu perdu dans ses choix. La troisième raison, peut-être, serait artistique, des courants musicaux qui s’essoufflent et paradoxalement un problème de visibilité de courants ou d’artistes qui émergent… Je rajouterai à cela, un réel besoin de l’auditeur curieux et éclectique, de repositionner la musique dans un contexte plus historique, avec des repères temporels afin de se faire une culture musicale cohérente. Tout ceci fait que ‘’du gros consommateur aux mélomanes les plus exigeants’’, l’auditeur, qui a été un temps submergé de propositions musicales, s’est aujourd’hui globalement un peu lassé de ce qu’on lui servait… Au-delà du fait de remettre sur le marché des disques qui étaient fatalement ou momentanément indisponibles, la réédition permet de revaloriser un répertoire parfois méconnu, de faire découvrir des choses obscures et de replacer la musique dans une histoire, un contexte historique avec ses repères, ses pères et ses fondateurs. Certains labels l’ont compris et on commence à assister aujourd’hui à un phénomène inéluctable, celui d’une vraie et grande tendance de l’industrie du disque pour la réédition. Mais attention, si les majors s’emparent aujourd’hui de ce phénomène, c’est aussi pour nous revendre des disques qu’ils ont eux-mêmes fait en sorte de rendre indisponibles pendant un temps, pour mieux nous les resservir de nouveau. Des disques que nous avons parfois déjà dans notre discothèque, mais cette fois remplis de bonus, de posters ou de tee-shirt … Ils ont toujours procédés de la sorte, calculer pour nous faire racheter dix fois le même disque sans prendre aucun risque, il faut donc rester très vigilant et ne pas tout avaler !!!

Penses-tu que cette vague de réédition ait amené les gens qui avaient un temps boudé les supports musicaux physiques à racheter des vinyles, par exemple ?
Oui, clairement, certains auditeurs qui boudaient les supports musicaux physiques se mettent à acheter des vinyles aujourd’hui et pas uniquement grâce aux rééditions d’ailleurs, mais plutôt grâce au support… D’autres qui avaient abandonnés le cd se remettent à acheter du vinyle… ça correspond davantage à des tranches d’âges, plutôt trentenaire ou quarantenaire. Des gens plus âgés, qui ont vendus toute leur collection de vinyles pour n’acheter que du cd, il y a une quinzaine d’année, ne sont pas du tout prêts à racheter du vinyle aujourd’hui, réédition ou pas… La réédition, qu’elle soit sur support cd ou vinyle, va juste permettre de remettre dans le circuit du marché des œuvres indisponibles aujourd’hui, pour un réseau de fans qui s’intéressent vraiment à la musique.

Qu’est-ce qu’une bonne réédition ? Des exemples ?
Pour une bonne réédition, il doit y avoir un certain nombre de critères. Tout d’abord, je dirai la rareté du disque, le fait qu’il soit indisponible depuis un certain temps est important, ou alors disponible, mais à un prix défiant toute concurrence, ce qui reviendrait à dire qu’il est quelque part indisponible. Ensuite, la pertinence du propos, que la réédition ait à priori un réel intérêt artistique, mais c’est souvent assez subjectif tout ça. Si le disque est impérissable, il doit retrouver une seconde vie, une seconde jeunesse et doit donc trouver tout son sens à être de nouveau disponible, soit grâce au label d’origine qui se veut culte, soit grâce à l’artiste ou au groupe qui n’a pas su trouver son public à l’époque, pour des raisons qui échappent parfois (avoir été en avance sur son temps, par exemple) ! En tant que disquaires, nous faisons des découvertes et des redécouvertes en permanence. La réédition doit permettre de faire cette sorte de focus sur un disque oublié ou totalement inconnu du public. Pour conclure, je dirai qu’il doit être un bel objet, celui que l’on aurait envie de conserver, qu’il ait été mis en valeur par un habillage classieux si possible (impression de qualité, cartonnage un peu épais, sticker avec des informations, etc.…). Certains labels font de la sérigraphie et s’occupent eux-mêmes des pochettes et de l’artwork. Il y a aussi aujourd’hui tout un tas de nouvelles options proposées aux labels : vinyles de couleurs, “picture discs”, code MP3 pour avoir l’album aussi en numérique, etc… Il faut parfois faire attention à ne pas trop dépenser en option non plus. Il faut trouver le juste milieu…

La gestion des droits musicaux et la source sonore utilisée comme base de la réédition (qu’il y ait ou non remasterisation) sont les deux mamelles de la réédition. Y a-t il beaucoup de labels qui selon toi ne voient pas les choses de cette façon ?
Effectivement, en ce qui concerne la gestion des droits musicaux, ce sont presque exclusivement des contrats de licences, qui s’adaptent à chaque fois différemment selon les personnes (musiciens, producteurs…). Certains labels prennent le risque de ne pas chercher qui détient les droits, pour des tas de raisons (lorsque les musiciens sont morts par exemple et qu’il n’y a pas d’ayant droit, ce sont des sacs de nœuds invraisemblables). Cela s’appel dans la majorité des cas du piratage, mais c’est parfois plus complexe qu’il n’y parait. La source sonore utilisée est parfois remasterisée (souvent si le disque en question a déjà fait l’objet d’une édition en cd), parfois elle ne l’est pas… Il arrive aussi que la source soit sous un format analogique et passer de l’analogique au numérique peut coûter cher, ce qui parfois n’est plus du tout rentable commercialement. Il faut parfois refaire un mastering en studio. Bref, il faut donc faire face à tout un tas de petits inconvénients qui vont déterminer la décision finale de faire ou de ne pas faire la réédition, lorsque le coût est trop élevé. Chacun se débrouille et s’arrange avec ses moyens financiers… Les labels font avec les moyens du bord et le résultat est plus ou moins réussi. Je crois qu’il est nécessaire, pour un label de réédition, d’avoir des avis et conseils extérieurs de clients potentiels. Ils peuvent contribuer à déterminer nos choix, c’est évident.

Je suis assez surpris de voir que Superior Viaduct, jeune label californien qui du haut de ses trois ans a déjà réédité une cinquantaine de pépites, a récemment ressorti les albums de Fontaine avec Areski et quelques enregistrements de Pinhas et Heldon. Steve Viaduct a t-il un réseau de malades ou se permet-il des choses que d’autres n’osent pas ?
Après avoir bien ratissé dans tous les sens leur propre territoire, le potentiel des rééditions aux Etats-Unis s’est un peu essoufflé. Les Américains et Anglo-saxons ont réédité des catalogues entiers, de groupes majeurs à de groupes beaucoup plus mineurs. Ils se rendent compte aujourd’hui du potentiel que peut fournir certains pays, notamment européens, le fait qu’il existe aussi des choses plus transgenres avec une autre culture derrière et qui peut trouver son public aux Etats-Unis. L’exotisme européen véhiculé par tout un pan de musiques obscures : la musique allemande des années 70 par exemple, ou des pays scandinaves, la Belgique, les Pays-Bas, etc. avec toutes sortes de groupes psyché, prog, folk, kraut, free-rock, jazz improvisé ou électro-acoustique barré… Ou encore, l’Italie avec tout ses compositeurs de musiques de films et toutes sortes de « library music » (musique d’illustration sonore) , à cheval entre le psyché, l’expérimentation électro-acoustique, le jazz et la musique contemporaine ; toutes ces merveilles, peu ou mal rééditées ! Que les américains s’attaquent aujourd’hui à la réédition d’artistes français n’est donc pas très surprenant. De Fontaine avec Areski à Pinhas avec Heldon, il y a tout un champ de la musique française, on peut dire underground, à rééditer et Superior Viaduct ouvre la voix avec d’autres, Wah Wah, Finders Keepers en Europe. Certains le font déjà un peu ici en France, mais ce ne sont pas strictement des labels de rééditions : Heavenly Sweetness, Desire, Rotorelief, Born Bad… Superior Viaduct a non seulement un vrai réseau, mais ils osent aussi ce que d’autres ne tentent pas forcement sur leur propre territoire.

Quels sont à tes yeux les labels de rééditions les plus pertinents, et quelles récentes rééditions affectionnes-tu le plus ?
Superior Viaduct bien sûr, mais aussi dans des styles très divers : Wah Wah, Finders Keepers, Honest Jon’s, Guerssen, Pharaway Sounds, Mississippi, Light in the Attic, Soul Jazz, Strut, Soundway, Sublime Frequencies, Trunk, Lion Productions, Bo’ Weavil, Cien Fuegos, Alga Marghen, Bureau B, Vinyl on Demand, Dark Entries, Medical, Recollection GRM (une antenne de Mego)… La plupart d’entre eux ne font que de la réédition.

Ce serait réducteur de ne choisir que quelques titres parmi ces nombreux labels… mais nous avons nos préférences bien sûr !

 

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Le Label Souffle Continu a sorti ses trois premières productions il y a quelques semaines. Pourquoi Richard Pinhas, pourquoi ces œuvres ? Chaque réédition est souvent accompagnée d’une petite histoire, y en a-t il une pour ce premier triptyque de 45 tours? Quels sont les projets à suivre ?
L’aventure du label de rééditions Souffle Continu Records a débuté par nécessité de survie et pour élargir le spectre de notre activité de disquaire, Bernard Ducayron et moi-même avons eu ce désir de l’activer. C’est aussi une aventure plaisante et humaine, avec des gens que l’on apprécie et dont on estime le travail. Créer un label de réédition pour un disquaire, devient presque une évidence aujourd’hui dans son mode de fonctionnement et il amène une certaine légitimité sur le marché de la musique. Il y a du sens à rééditer des disques qui nous tiennent à cœur et que nous aimerions, en tant que client, trouver dans les bacs. Pour l’aspect plutôt commercial, le fait que l’on soit disquaire nous permet également de développer un système d’échanges en direct avec des labels et des distributeurs, ce qui change le rapport de la marge commerciale. Le vinyle est peut-être de retour, mais les volumes de vente sur le marché mondial restent toujours assez bas, même s’ils sont en légère augmentation, il ne faut pas rêver. C’est avant tout la passion qui nous habite…

Nous entretenons de bons rapports avec Richard Pinhas et cela depuis quelques années, puisque Bernard le côtoyait auparavant. Il se trouve que lorsque nous avons ouvert notre boutique, il y a bientôt six ans, Richard est venu le jour de notre crémaillère, témoigner de sa sympathie et de son soutien pour notre activité. Nous y avons été sensibles ! Plus tard, Richard est venu jouer à la boutique pour la sortie du disque ‘’Vents Solaires’’ sur le label Versatile, en duo avec Etienne Jaumet. Nous avons alors évoqué ensembles l’idée que nous pouvions inaugurer le label avec la réédition de ces trois pépites quasi indisponibles aujourd’hui et qui ont marqué toute une époque tant musicale que politique. Nous l’avons donc fait, en série limité à 700 exemplaires chacun et une couleur différente pour chaque. Nous aurions aimé approfondir encore davantage la discographie de Richard, mais les labels Wah Wah et Superior Viaduct ont déjà bien commencé le travail en rééditant les albums studios de Heldon. Mais nous allons sans doute poursuivre quand même l’aventure avec lui avec l’édition d’un live parisien de 1975-76, jamais édité en vinyle.
Pour la suite des projets, nous avons signé un contrat de licence avec Gérard Terronès pour rééditer une dizaine de références de son mythique label Futura. Les titres sont Red Noise ‘’Sarcelles-Lochères’’, Mahogany Brain ‘’With (Junk-Saucepan) when (Spoon-Trigger)’’, Triode ‘’On n’a pas fini d’avoir tout vu’’, Fille qui mousse ‘’Se taire pour une femme trop belle’’, Travelling ‘’Voici la nuit tombée’’, Semool ‘’Essais’’, Horde catalytique pour la fin ‘’Gestation sonore’’, Jean Guérin ‘’Tacet’’, Bernard Vitet ‘’La Guêpe’’, Jacques Berrocal ‘’Musiq Musik’’… D’autres titres du label suivront sans doute…
Nous avons également lancés plusieurs pistes de travail avec d’autres labels et musiciens, mais c’est assez lent, on réactive parfois malgré nous de veilles histoires pas toujours évidentes à gérer, des problèmes d’égo aussi parfois… Il faut dire que les contrats de l’époque ont été souvent rédigés de façon aléatoire, lorsqu’il y en avait.

Le Souffle Continu sera-il exclusivement un label de rééditions ? Le fait de rééditer des œuvres d’un artiste quasi-culte comme Richard Pinhas donne une visibilité immédiate au label. J’imagine qu’il est bien plus facile de vendre ces premières productions plutôt que si vous aviez sorti le premier album d’un artiste peu connu ; pour autant, sortir du vinyle en 2014 et le distribuer correctement n’est peut-être pas si évident. Comment as-tu vécu le début de cette aventure ?
Souffle Continu Records sera exclusivement un label de rééditions. La production ne demande pas du tout le même travail, investissement, ni suivi sur le terrain avec la promotion, les concerts, etc. Nous n’avons pas le temps, ni l’énergie de nous lancer là-dedans. Mais, par le biais de la boutique, nous soutenons tous les labels qui continuent de produire aujourd’hui, c’est bien évidement vital qu’il y ait de nouvelles propositions, de nouveaux groupes, de nouvelles choses à écouter. C’est presque plus important que la réédition, qui n’est en réalité qu’un travail d’archivistes, même si cela nous permet de réhabiliter certaines vieilleries qui nous tiennent à cœur… Nous ne sommes ni nostalgique, ni passéiste, donc vive la nouveauté !
Pour un label de réédition, la visibilité immédiate est presque obligatoire sinon ça devient compliqué ensuite d’affirmer une collection de plusieurs titres et un esprit musical. Il faut donc commencer par des artistes un peu porteurs et une réalisation attractive graphiquement. L’idée du 45tours fonctionne bien, car c’est un joli format, pas imposant et qui sous-entend une suite (on réédite rarement juste trois 45t pour s’arrêter ensuite). Notons aussi que nous avons la chance d’avoir un excellent graphiste avec nous depuis l’ouverture de la boutique et qu’il nous pose les bonnes problématiques afin d’être vraiment précis sur les éventuelles retouches à réaliser sur l’artwork original, pour un rendu efficace.
Nous vivons donc ce tout petit début d’aventure formidablement bien, malgré cette lenteur inéluctable…
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Malgré la « lenteur inéluctable » qu’évoque Jarrier, il semble que le futur proche du label s’annonce sous les meilleures hospices. En effet, c’est en collaboration avec Desire Records, autre structure française en partie dédiée à la réédition, que la jeune petite maison d’édition envisage les choses en (plus) grand – passant du 45 au 33 tours – et entame une campagne de ressorties d’albums cultes du non moins culte label français Futura, label né à l’aube des années 70 qui a positionné son activisme artistique aux croisées des musiques improvisées, concrètes et free jazz. La réapparition imminente dans les bacs des albums de Red Noise, Semool et Mahogany Brain confirme l’attachement de Souffle Continu aux formes musicales combinant engagement esthétique et politique ; les pressages originaux de ces coups de gueule soniques s’arrachent à plusieurs centaines d’euros.